Page:Gide - Le Prométhée mal enchainé.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
MAL ENCHAÎNÉ

— Aigle ! tu ne seras jamais moins cruel ?

— Non ! Mais je peux devenir très beau.

Prométhée, s’éprenant de la beauté future de son aigle, lui donnait chaque jour plus à manger.

Un soir, l’aigle ne partit pas.

Le lendemain non plus.

Il occupait de ses morsures le prisonnier qui l’occupait de ses caresses, qui maigrissait et s’épuisait d’amour, tout le jour caressant ses plumes, sommeillant la nuit sous son aile et le repaissant à loisir. — L’aigle ne bougeait plus ni la nuit ni le jour.

— Doux aigle ! qui l’eût cru ?

— Que quoi ?