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la porte étroite

— Et… qu’est-ce que mon oncle a répondu ?

— Ce que j’ai répondu moi-même : que j’étais trop jeune pour me marier… Malheureusement, ajouta-t-elle en riant, ma tante avait prévu l’objection ; dans un post-scriptum elle dit que M. Édouard Teissières, c’est son nom, consent à attendre, qu’il se déclare aussitôt simplement pour « prendre rang »… c’est absurde ; mais qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? Je ne peux pourtant pas lui faire dire qu’il est trop laid !

— Non, mais que tu ne veux pas épouser un viticulteur.

Elle haussa les épaules :

— Ce sont des raisons qui n’ont pas cours dans l’esprit de ma tante… Laissons cela. — Alissa t’a écrit ?

Elle parlait avec une volubilité extrême et semblait dans une grande agitation. Je lui tendis la lettre d’Alissa qu’elle lut en rougissant beaucoup. Je crus distinguer un accent de colère dans sa voix quand elle me demanda :