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la porte étroite

après m’être donnée à toi, si je vois que je ne puis plus te plaire. Tu vas t’indigner beaucoup, sans doute, en me lisant ; je crois entendre tes protestations ; pourtant je ne mets pas en doute ton amour : simplement je te demande d’attendre encore que tu sois un peu plus avancé dans la vie.

Comprends que je ne parle ici que pour toi-même, car pour moi je crois bien que je ne pourrai jamais cesser de t’aimer.

Alissa. »

Cesser de nous aimer ! Mais pouvait-il être question de cela ! — J’étais encore plus étonné qu’attristé, mais si bouleversé que je courus aussitôt montrer cette lettre à Abel.

— Eh bien ! que comptes-tu faire ? dit celui-ci, après avoir lu la lettre en hochant la tête et les lèvres serrées. Je soulevai les bras, plein d’incertitude et de désolation.