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la porte étroite

nale, une langue que je n’ai pas encore apprise et que j’écoute avec étonnement.

24 mai.

Juliette sommeille sur une chaise-longue près de moi — dans la galerie ouverte qui fait le charme de cette maison à l’italienne, de plain-pied avec la cour sablée qui continue le jardin… Juliette, sans quitter sa chaise-longue, peut voir la pelouse se vallonner jusqu’à la pièce d’eau où s’ébat un peuple de canards bariolés et où naviguent deux cygnes. Un ruisseau que ne tarit, dit-on, aucun été, l’alimente, puis fuit à travers le jardin qui devient bosquet toujours plus sauvage, resserré de plus en plus entre la garrigue sèche et les vignobles, et bientôt complètement étranglé.

…Édouard Teissières a fait visiter hier, à mon père, le jardin, la ferme, les celliers, les vignobles, pendant que je restais auprès de Juliette, — de sorte que ce matin, de très bonne heure, j’ai pu faire, seule, ma première promenade de dé-