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instruire, et c’est de quoi toi aussi, mon ami, il importe de te convaincre. Adieu, mon frère tant aimé ; que Dieu te garde et te dirige ; de Lui seul on peut impunément se rapprocher. »

Et comme si cette lettre ne m’était pas déjà suffisamment douloureuse, elle y avait, le lendemain, ajouté ce post-scriptum :

« Je ne voudrais pas laisser partir cette lettre sans te demander un peu plus de discrétion en ce qui nous concerne tous deux. Maintes fois tu m’as blessée en entretenant Juliette ou Abel de ce qui eût dû rester entre toi et moi, et c’est bien là ce qui, longtemps avant que tu t’en doutes, m’a fait penser que ton amour était surtout un amour de tête, un bel entêtement intellectuel de tendresse et de fidélité. »

La crainte que je ne montre cette lettre à Abel, indubitablement en avait dicté les dernières lignes. Quelle défiante perspicacité l’avait donc mise en garde ? Avait-elle sur-