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témoins de la conspiration de Nicéphore et de la haine nationale, et ils manquèrent d’en être la victime. Constantinople fut indignée de la trahison et du sacrilége de l’ancienne Rome ; chacun répétait ce proverbe : « que les Français étaient de bons amis et de mauvais voisins ; » mais il était dangereux de provoquer un voisin qui pouvait avoir la tentation de renouveler, dans l’église de Sainte-Sophie, la cérémonie de son couronnement. Les ambassadeurs de Nicéphore, après un pénible voyage, de longs détours et de longs délais, trouvèrent Charlemagne dans son camp, sur les bords de la Saal ; et pour confondre leur vanité, ce prince déploya dans un village de la Franconie toute la pompe, ou du moins toute la morgue du palais de Byzance[1]. Les Grecs traversèrent quatre salles d’audience : dès la première, ils allaient se prosterner devant un personnage magnifiquement vêtu, et assis sur un siége élevé, lorsqu’il leur apprit qu’il n’était que le connétable ou le maître des chevaux, c’est-à-dire un des serviteurs du prince. Ils firent la même méprise, et reçurent la même réponse dans les trois pièces où se trouvaient le comte du palais, l’intendant et le grand-chambellan. Leur impatience s’étant ainsi accrue peu à peu, on ouvrit enfin la

    M. Gaillard rapporte les négociations de ce prince avec l’empire grec (t. II, p. 446-468).

  1. M. Gaillard observe très-bien que tout cet appareil n’était qu’une sorte de farce convenable seulement à des enfans ; mais que c’était devant et pour de grands enfans qu’avait lieu cette représentation.