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lui-même de joindre sa voix aux acclamations générales, et de demander un collégue, qui ne tarda pas à le dégrader du rang suprême, à le renfermer, et à vérifier enfin la justesse de cette imprudente assertion du patriarche, qu’on pouvait regarder Alexis comme mort dès qu’on le remettait au pouvoir de son tuteur. Cependant sa mort fut précédée de l’emprisonnement et de l’exécution de sa mère. Le tyran, après avoir noirci la réputation de l’impératrice Marie et avoir excité contre elle les passions de la multitude, la fit accuser et juger sur une correspondance criminelle avec le roi de Hongrie. Le fils d’Andronic lui-même, jeune homme plein d’honneur et d’humanité, avoua l’horreur que lui inspirait cette action odieuse, et trois des juges eurent le mérite de préférer leur conscience à leur sûreté ; mais les autres, soumis aux volontés de l’empereur, sans demander aucune preuve et sans admettre aucune défense, condamnèrent la veuve de Manuel, et son malheureux fils signa l’arrêt de sa mort. Marie fut étranglée ; on jeta son corps à la mer, et on souilla sa mémoire de la manière qui blesse le plus la vanité des femmes, en défigurant sa beauté dans une caricature difforme. Le supplice de son fils ne fut pas long-temps différé ; on l’étrangla avec la corde d’un arc ; et Andronic, insensible à la pitié et aux remords, après avoir examiné le corps de cet innocent jeune homme, le frappa grossièrement avec son pied : « Ton père, s’écria-t-il, était un fripon, ta mère une prostituée, et toi tu étais un sot. »