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suspecte ; se donnant pour un soldat latin, il avoua qu’il voulait se venger d’un ennemi mortel, et eut la maladresse de louer la vitesse de son cheval, avec lequel, disait-il, il comptait se tirer sain et sauf de toutes les circonstances de sa vie. Manuel dissimula ses soupçons ; mais lorsque la campagne fut terminée, il fit arrêter Andronic, et on l’emprisonna dans une tour du palais de Constantinople.

Cette prison dura plus de douze années, pendant lesquelles le besoin de l’action et la soif des plaisirs l’excitèrent sans cesse à chercher les moyens d’échapper à une si pénible captivité. Enfin, seul et pensif, il aperçut un jour dans un coin de sa chambre quelques briques cassées ; il élargit graduellement le passage, et trouva derrière un réduit obscur et oublié. Il gagna ce réduit avec le reste de ses provisions, après avoir eu soin de remettre les briques en place et d’effacer tous les vestiges de sa retraite. Les gardes qui vinrent faire la visite à l’heure accoutumée furent étonnés du silence et de la solitude de la prison, et répandirent qu’Andronic s’était sauvé sans qu’on pût savoir de quelle manière. Au même instant les portes du palais et de la ville se fermèrent ; les provinces reçurent l’ordre le plus rigoureux de s’assurer de la personne du fugitif, et sa femme, qu’on soupçonnait d’avoir favorisé son évasion, et à qui on eut la bassesse d’en faire un crime, fut emprisonnée dans la même tour. Durant la nuit elle crut voir un spectre ; elle reconnut son mari ; ils partagèrent leurs vivres, et ces secrètes entrevues, qui