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dit que lorsque Jésus avait été attaché à la croix, il s’était trouvé doué d’une miraculeuse apathie d’esprit et de corps, laquelle le rendit insensible aux douleurs qu’il paraissait souffrir. D’autres assurèrent que le règne temporel de mille ans, réservé au Messie dans son royaume de la nouvelle Jérusalem, le dédommagerait amplement de ses angoisses réelles mais passagères. Enfin on laissa entrevoir que s’il souffrit, il avait mérité de souffrir[1] ; que la nature humaine n’est jamais absolument parfaite, et que la croix et la passion purent servir à expier les transgressions vénielles du fils de Joseph avant son union mystérieuse avec le fils de Dieu.

La divine incarnation d’Apollinaire.

IV. Tous ceux qui embrassent la noble et séduisante idée de la spiritualité de l’âme, doivent avouer, d’après l’expérience, l’incompréhensible union de l’esprit et du corps. Il est aisé de concevoir que le corps peut être uni à un esprit qui a des facultés intellectuelles beaucoup plus grandes, ou même qui possède ces facultés au plus haut degré possible ; et l’incarnation d’un æon ou d’un archange, le plus

  1. Les hérétiques abusèrent de cette exclamation douloureuse de Jésus-Christ : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? » Rousseau, qui a fait un parallèle éloquent, mais peu convenable de Jésus-Christ et de Socrate, oublie que le philosophe mourant ne laisse pas échapper un mot d’impatience et de désespoir. Ce sentiment peut n’être apparent que dans le Messie ; et on a dit avec raison que ces paroles si mal sonnantes n’étaient que l’application d’un psaume ou d’une prophétie.