Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 9.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tience et son habileté ; son œil pénétrant saisit le nouveau système de ces peuples de l’Europe qu’il ne connaissait pas ; et j’exposerai dans un autre endroit les vues supérieures avec lesquelles il balança les intérêts et les passions des champions de la première croisade. Durant les trente-sept années de son règne, il sut contenir la jalousie qu’il excitait parmi ses égaux, et la leur pardonner ; il remit en vigueur les lois relatives à la tranquillité de l’état, comme à celle des particuliers ; les sciences et les arts utiles furent cultivés ; les bornes de l’empire furent reculées soit en Europe, soit en Asie ; et la famille des Comnène garda le sceptre jusqu’à la troisième et à la quatrième génération. Cependant la difficulté des temps où il vécut mit à découvert quelques défauts de son caractère, et exposa sa mémoire à des reproches bien ou mal fondés. Le lecteur sourit des éloges infinis que sa fille donne si souvent à son héros en fuite ; on peut, dans la faiblesse ou la prudence à laquelle le contraignit sa situation, soupçonner un défaut de courage personnel, et les Latins traitent de perfidie et de dissimulation l’art qu’il employa dans ses négociations. Le grand nombre d’individus des deux sexes que comptait alors sa famille, augmentait l’éclat du trône et assurait la succession ; mais leur luxe et leur orgueil révoltèrent les patriciens, épuisèrent le trésor royal, et insultèrent à la misère du peuple. Nous apprenons par le fidèle témoignage d’Anne Comnène que les travaux de l’administration détruisirent le bonheur et affaiblirent la