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sa femme, prouva qu’il n’était pas tout-à-fait étranger à des sentimens d’honneur et de reconnaissance. Terbelis se retira avec un monceau d’or dont l’étendue fut déterminée par la portée de son fouet ; mais jamais vœu ne fut si religieusement accompli que le serment de vengeance prononcé au milieu des orages de l’Euxin. Les deux usurpateurs (car c’est pour le vainqueur que doit être réservé le nom de tyran) furent amenés dans l’Hippodrome, l’un de sa prison et l’autre de son palais, Léontius et Apsimar, avant d’être livrés aux bourreaux, furent étendus chargés de chaînes sous le trône de l’empereur, et Justinien établissant l’un de ses pieds sur le cou de chacun d’eux, regarda plus d’une heure la course des chars, tandis que le peuple inconstant répétait ces paroles du Psalmiste : « Tu marcheras sur l’aspic et sur le basilic, et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon. » La défection universelle qu’il avait jadis éprouvée, put le porter à désirer, comme Caligula, que le peuple romain n’eût eu qu’une tête. J’observerai toutefois que ce désir ne convenait pas à un tyran ingénieux, puisqu’au lieu des tourmens variés dont il accablait les victimes de sa colère, un seul coup aurait terminé les plaisirs de sa vengeance et de sa cruauté. Ces plaisirs furent en effet inépuisables : ni vertus privées, ni services publics ne purent expier le crime d’une obéissance active ou même passive à un gouvernement établi, et, dans les six années de son nouveau règne, la hache, la corde et la torture lui parurent les seuls instrumens de la royauté. Mais ce fut surtout