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de ces grands tableaux, qui donnent de l’éclat et du prix à l’histoire d’un temps éloigné. Après Héraclius, le théâtre de Byzance se resserre et devient plus sombre ; les bornes de l’empire fixées par les lois de Justinien et les armes de Bélisaire échappent de tous côtés à notre vue ; le nom romain, véritable objet de nos recherches, est réduit à un coin étroit de l’Europe, aux environs solitaires de Constantinople ; et on a comparé l’empire grec au fleuve du Rhin, qui se perd dans les sables avant que ses eaux aillent se confondre dans celles de l’Océan. L’éloignement des temps et des lieux diminue à nos yeux l’appareil de la domination ; et le défaut de la splendeur extérieure n’est pas compensé par les dons plus nobles de la vertu ou du génie. Dans les derniers momens de l’empire, Constantinople possédait sans doute plus de richesses et de population que n’en eut Athènes à l’époque la plus florissante de ses annales, lorsqu’une modique somme de six mille talens ou de douze cent mille livres sterling composait la totalité des richesses partagées entre vingt-un mille citoyens d’un âge adulte ; mais chacun de ces citoyens était un homme libre et osait user de la liberté dans ses pensées, ses paroles et ses actions ; des lois impartiales défendaient sa personne, sa propriété, et il avait une voix indépendante dans l’administration de la république. Les nuances si variées et si fortement prononcées des caractères semblaient augmenter le nombre des individus ; couverts de l’égide de la liberté, portés sur les ailes de l’ému-