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rogea les fonctions de patriarche d’Antioche : son neveu, Abraham, à la tête des maronites, défendit leur liberté civile et religieuse contre les tyrans de l’Orient. Le fils de l’orthodoxe Constantin persécuta avec une sainte haine un peuple de soldats qui aurait pu servir de boulevart à son empire contre les ennemis de Jésus-Christ et de Rome. Une armée de Grecs envahit la Syrie ; le feu consuma le monastère de Saint-Maron ; les plus braves chefs de la secte furent trahis et assassinés, et douze mille de leurs partisans conduits sur les frontières de l’Arménie et de la Thrace. Cependant l’humble secte des maronites a survécu à l’empire de Constantinople ; et, sous les Turcs, leur conscience est libre et leur servitude modérée. Leurs gouverneurs particuliers sont choisis dans leur ancienne noblesse ; du fond de son monastère de Canobin, le patriarche se croit encore assis sur le siége d’Antioche ; neuf évêques forment son synode, et cent cinquante prêtres, libres de se marier, sont chargés de la conduite de cent mille âmes. Leur pays se prolonge de la chaîne du mont Liban aux côtes de Tripoli ; et, dans cette étroite lisière, une dégradation insensible offre toutes les variétés du sol et du climat, depuis les grands cèdres dont la tête ne se courbe point sous le poids des neiges[1], jus-

  1. Dans le dernier siècle on voyait encore sur le mont Liban vingt de ces cèdres si vantés par l’Histoire-Sainte. (Voyage de La Roque, t. I, p. 68-76) ; il n’y en a plus aujourd’hui que quatre ou cinq. (Voyage de Volney, t. I, p. 264.) L’excommunication défendait ces arbres si célèbres