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Conquête de l’Abyssinie. A. D. 522.

On reprochait à Justinien son alliance avec les peuples de l’Éthiopie, comme s’il eût voulu admettre une tribu de nègres sauvages dans le système politique des nations civilisées. Mais on doit distinguer les Axumites ou la peuplade de l’Abyssinie, amie de l’empire romain, des naturels de l’Afrique[1]. La nature a donné aux Nègres un nez aplati, de la laine au lieu de cheveux, et imprimé sur leur peau un noir ineffaçable. Mais le teint olivâtre des Abyssins, leurs cheveux, la forme de leurs visages et leurs traits les font clairement connaître pour une colonie arabe ; et la similitude de la langue et des mœurs, le souvenir d’une ancienne émigration et le peu d’intervalle qui se trouve entre les côtes de la mer Rouge, viennent à l’appui de cette conjecture. Le christianisme avait tiré cette nation de la barbarie africaine[2] ; son commerce avec l’Égypte et les succes-

  1. Voy. Buffon, Hist. nat., t. III, p. 449. Ces traits et ce teint des Arabes qui se perpétuent depuis trois mille quatre cents ans (Ludolph., Hist. et Comment. Æthiop., l. I, c. 4) dans la colonie d’Abyssinie, autorisent l’opinion que la race ainsi que le climat doivent avoir contribué à la formation des nègres des environs.
  2. Les Missionnaires portugais Alvarez (Ramusio, t. I, fol. 204, rect. 274 vers.), Bermudez (Purchas, Pilgrims, vol. 2, l. V, c. 7, p. 1149-1188), Lobo (Relation, etc., par M. Legrand, avec quinze Dissertations ; Paris, 1728) et Tellez (Relation de Thévenot, part. IV) ne pouvaient dire sur l’Abyssinie moderne que ce qu’ils avaient vu ou ce qu’ils avaient inventé. L’érudition de Ludolph. en vingt-cinq langues (Hist. Æthiop., Francfort, 1681. Commentarius, 1691 ;