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vingt personnes de cette caravane guerrière et ennemie. Isdigune, après avoir salué l’empereur et remis ses présens, passa dix mois à Constantinople sans discuter aucune affaire sérieuse. Au lieu de l’enfermer dans son palais et de l’y faire servir par des gens affidés, on lui laissa parcourir la capitale, sans mettre autour de lui ni espions ni soldats ; et la liberté de conversation et de commerce qu’on permit à ses domestiques blessa les préjugés d’un siècle qui observait à la rigueur le droit des gens, sans confiance et sans courtoisie[1]. Par une faveur sans exemple, son interprète, qui était dans la classe des serviteurs auxquels un magistrat romain ne donnait aucune attention, s’assit à la table de Justinien à côté de son maître ; et on assigna environ mille livres d’or pour la dépense du voyage et le séjour de cet ambassadeur à Constantinople. Cependant les efforts d’Isdigune, répétés à différentes reprises, ne purent établir qu’une trêve imparfaite, toujours payée et renouvelée au prix des trésors de la cour de Byzance. Des hostilités infructueuses désolèrent les sujets des deux nations durant plusieurs années, jusqu’à l’époque où Justinien et Chosroès, fatigués

  1. Procope indique à ce sujet l’usage de la cour des Goths, établie alors à Ravenne (Goth., l. I, c. 7). Les ambassadeurs étrangers ont été traités avec la même méfiance et la même rigueur en Turquie (Busbequius, épist. 3, p. 149, 242, etc.), en Russie (Voyages d’Olearius) et à la Chine. Récit de M. de Lange dans les Voyages de Bell., vol. 2, p. 189-311.