Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

salaire ; et ces arrérages qu’il avait à réclamer, étaient pour lui un motif de fidélité en même temps que de plainte. Cependant la longue durée de ses maux lui arracha l’aveu de la vérité ; et la vérité était une accusation contre les lieutenans de Justinien, qui, au milieu des lenteurs d’une guerre ruineuse, avaient épargné ses ennemis et foulé aux pieds ses alliés. Leurs rapports mensongers persuadèrent à l’empereur que son infidèle vassal méditait une seconde défection ; on surprit un ordre de l’envoyer prisonnier à Constantinople : on y inséra une clause perfide, qui autorisait à le tuer en cas de résistance ; et Gubazes, sans armes et sans soupçonner le danger qui le menaçait, fut poignardé au milieu d’une entrevue qu’il croyait amicale. Dans les premiers momens de sa fureur et de son désespoir, le peuple de la Colchide aurait sacrifié au désir de la vengeance l’intérêt de son pays et celui de sa religion ; mais l’autorité et l’éloquence de quelques hommes sages obtinrent un délai salutaire. La victoire du Phase répandit de nouveau la terreur des armes romaines ; et l’empereur eut soin de laver au moins son nom d’un meurtre si odieux. Un juge du rang de sénateur, fut chargé de faire une enquête sur la conduite et sur la mort du roi des Laziques ; il parut sur un tribunal élevé, environné des ministres et des exécuteurs de la justice. Cette cause extraordinaire se plaida en présence des deux nations, selon les formes de la jurisprudence civile, et un peuple offensé reçut