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par ses forts et ses garnisons ; elle dévora le peu de subsistances qui restait au peuple, et le prince des Laziques s’enfuit dans les montagnes. Les troupes romaines ne connaissaient ni foi ni discipline ; leurs chefs, indépendans les uns des autres, revêtus d’un pouvoir égal, se disputaient la prééminence du vice et de la corruption. Les Persans suivaient sans murmurer les ordres d’un seul chef, qui obéissait implicitement aux instructions de son maître. Mermeroès, leur général, se distinguait entre les héros de l’Orient par sa sagesse dans les conseils, et sa valeur dans les combats ; sa vieillesse et l’infirmité qui le privait de l’usage de ses jambes, ne pouvaient diminuer l’activité de son esprit, ni même celle de son corps : porté dans une litière au front des lignes, il inspirait la terreur à l’ennemi et une juste confiance à ses troupes, toujours victorieuses sous ses drapeaux. Après sa mort, le commandement passa à Nacoragan, orgueilleux satrape, qui dans une conférence avec les généraux de l’empereur, avait osé déclarer qu’il disposait de la victoire d’une manière aussi absolue que de l’anneau de son doigt. Une telle présomption annonçait et devait naturellement amener une honteuse défaite. Les Romains, repoussés peu à peu jusqu’au bord de la mer, campaient alors sur les ruines de la colonie grecque du Phase ; et de forts retranchemens, la rivière, l’Euxin et une flotte de galères, les défendaient de tous côtés. Le désespoir réunit tous les esprits et anima tous les courages ; ils résistèrent à l’assaut des Persans, et la fuite