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dédaignait le luxe de l’Orient. Les diverses nations enrôlées sous ses drapeaux campaient autour de lui, et l’art avait disposé leur apparent désordre. Les Thraces et les Illyriens se présentaient au front ; les Hérules et les Goths dans le centre ; les Maures et les Vandales terminaient la perspective ; et leurs tentes, placées à quelque distance l’une de l’autre, trompaient sur leur véritable nombre. Leur costume léger semblait annoncer l’activité ; un soldat tenait un fouet, un second tenait une épée, un troisième avait un arc, un quatrième maniait sa hache de bataille, et l’ensemble du tableau montrait l’intrépidité des troupes et la vigilance du général. Chosroès fut en effet trompé par l’adresse et intimidé par le génie du lieutenant de Justinien. Ne sachant point quelles étaient les forces d’un adversaire dont il connaissait le mérite, il craignit une bataille décisive dans un pays éloigné, d’où peut-être aucun de ses soldats n’aurait pu porter en Perse ces tristes nouvelles. Le grand roi se hâta de repasser l’Euphrate ; et Bélisaire pressa sa retraite en affectant de s’opposer à cette mesure si salutaire à l’empire, et qu’une armée de cent mille hommes aurait eu de la peine à empêcher. L’ignorance et l’orgueil purent croire, sur le rapport de l’envie, qu’on avait laissé échapper les Perses ; mais la conquête de l’Afrique et du royaume des Goths est moins glorieuse que cette victoire qui ne coûta point de sang, et qui appartient en entier au général, puisque le hasard et la valeur des soldats n’y eurent aucune part. [A. D. 543, etc.]Lorsqu’on envoya, pour la