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flattée par le don d’une portion considérable des dépouilles de Carthage, que ses ambassadeurs réclamèrent sur le ton de la plaisanterie et comme un présent d’amitié[1] ; mais les trophées de Bélisaire troublaient le sommeil du grand roi, qui apprit avec étonnement, avec jalousie et avec frayeur, que la Sicile, l’Italie et Rome elle-même avaient été soumises à Justinien en trois campagnes. Peu formé dans l’art de violer les traités, il excita en secret son vassal, l’audacieux et rusé Almondar. Ce prince des Sarrasins, qui résidait à Hira[2], n’avait pas été compris dans la paix générale, et il entretenait toujours une guerre obscure contre Aréthas, son ennemi, chef de la tribu de Gassan et allié de l’empire. Il s’agissait d’un vaste pâturage dans la partie du désert située au sud de Palmyre. Un tribut immémorial pour les moutons qu’on y envoyait semblait attester les droits d’Almondar, et le Gassanite alléguait le nom latin de strata, chemin pavé, comme un témoignage incontestable de la souveraineté et des travaux des Romains[3]. Les deux monarques

  1. Procope, Persic., l. I, c. 26.
  2. Almondar, roi de Hira, fut déposé par Kobad, et rétabli sur le trône par Nushirwan. La beauté de sa mère la fit surnommer l’Eau céleste, dénomination qui devint héréditaire, et qu’on accorda pour une plus noble cause aux princes arabes de la Syrie, leur libéralité au milieu d’une famine. (Pococke, Specimen Hist. Arab., p. 69, 70).
  3. Procope, Persic., l. II, c. 1. Nous ignorons l’origine et l’objet de ce strata, chemin pavé qui se prolongeait sur un espace de dix journées, depuis l’Auranitide jusqu’à la