Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ceur et d’élégance, dont Mahomet recommande de se servir en paradis, quoique l’ignorance et la présomption d’Agathias le représentent comme un idiome sauvage et contraire à l’harmonie[1]. Au reste, cet historien grec pouvait s’étonner avec raison qu’on eût traduit exactement et en entier les ouvrages de Platon et d’Aristote, dans un dialecte étranger, peu fait pour exprimer l’esprit de liberté et les subtilités des recherches philosophiques ; et si la raison du philosophe de Stagyre a la même obscurité ou la même clarté dans toutes les langues, la manière dramatique et le mérite des dialogues du disciple de Socrate[2] paraissent tenir essentiellement à la grâce et à la perfection de son style attique. Nushirwan, portant ses recherches sur tout ce qui pouvait augmenter les lumières, apprit que les fables morales et politiques de l’ancien brame Pilpay se conservaient avec un respect mystérieux parmi les trésors des rois de l’Inde. Il envoya secrètement le médecin Perozes sur les bords du Gange, et lui enjoignit de se procurer, à quelque prix que ce fût, la communication de cet ouvrage

  1. Consultez sur la langue persane et ses trois dialectes, Anquetil, p. 339-343, et Jones, p. 153-185. Αγριᾳ τινι γλωττῃ και αμο‌υσοτατῳ ; tel est le caractère qu’Agathias (l. II, p. 66) attribue à un idiome renommé dans l’Orient pour sa douceur poétique.
  2. Agathias désigne en particulier le Gorgias, le Phédon, le Parménides et le Timée. Renaudot (Fabricius, Bibl. græc., t. XII, p. 246-261) ne parle pas de cette version d’Aristote en langue barbare.