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chrétiens le libre exercice de leur religion, aux captifs la liberté et des récompenses, et à la nation en général une prompte paix et la réduction des impôts. Les conspirateurs décidèrent qu’il se montrerait dans le camp avec les marques de la royauté ; et ils eurent soin, en cas de mauvais succès, de lui ménager une retraite à la cour impériale. Mais le nouveau monarque fut salué par un concert d’acclamations : [Chosroès est déposé. A. D. 628, 25 févr.]on s’opposa violemment à la fuite de Chosroès ; et d’ailleurs où aurait-il pu fuir ? On massacra sous ses yeux dix-huit de ses fils, et il fut jeté dans un cachot où il expira le cinquième jour. Les Grecs et les Persans modernes décrivent très en détail tout ce que Chosroès eut à souffrir d’insultes, de misère et de tourmens de la part d’un fils qui porta la cruauté beaucoup plus loin que son père : mais à l’époque de sa mort, quelle langue aurait osé raconter l’histoire du parricide, et quel œil put pénétrer dans la tour d’oubli ? La religion miséricordieuse des chrétiens, ses ennemis, l’a précipité sans retour dans un abîme beaucoup plus profond[1]. Au reste,

  1. Au premier bruit de la mort de Chosroès, George de Pisidie (p. 97-105) publia à Constantinople une Héracliade en deux chants. Cet écrivain, prêtre et poète, se réjouissait de la damnation de l’ennemi public (εμπεσων εν ταρταῤῳ, v. 56). Mais une si basse vengeance est indigne d’un roi et d’un conquérant ; et je suis fâché de trouver dans la lettre d’Héraclius cette joie d’une superstition grossière : θεομαχος Χοσροης επεσε και επτωμα τισθη εις τᾳ καταχθονια… εις το πυρ ακατασβεσ‌τον, etc. Il applaudit presque au parricide de Siroès, comme à un acte de piété et de justice.