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en qualité d’apôtre de Dieu. Il dédaigna ce conseil et déchira la lettre. « C’est ainsi, s’écria le prophète arabe, que Dieu déchirera le royaume et rejettera les supplications de Chosroès[1]. » Placé sur les limites des deux vastes empires de l’Orient, Mahomet observait avec une joie secrète les progrès de leur destruction mutuelle, et il osa prédire, au milieu des triomphes de la Perse, qu’en peu d’années la victoire repasserait sous les drapeaux des Romains[2].

Détresse d’Héraclius. A. D. 610-622.

Le moment où l’on prétend que fut faite cette prédiction était assurément celui où il devait paraître le plus difficile de croire à son accomplissement, puisque les douze premières années du règne d’Héraclius semblèrent indiquer la dissolution pro-

  1. Les historiens de Mahomet, Abulféda (in vita Mohammed, p. 92, 93) et Gagnier (Vie de Mahomet, tom. II, p. 247) placent cette ambassade dans la septième année de l’hégire, qui commença A. D. 628, le 11 mai. Leur chronologie est fautive, puisque Chosroès mourut au mois de février de la même année (Pagi, Critica, t. II, p. 779.) Le comte de Boulainvilliers (Vie de Mahomet, p. 327, 328) la place vers l’an 615, peu de temps après la conquête de la Palestine. Cependant Mahomet ne dut pas hasarder si tôt une pareille démarche.
  2. Voyez le trentième chapitre du Koran, intitulé les Grecs. L’honnête et savant Sale, qui a traduit le Koran en anglais, expose très-bien (p. 330, 331) cette conjecture, cette prédiction ou cette gageure de Mahomet ; mais Boulainvilliers (p. 329-344) s’efforce, dans les plus mauvaises intentions, d’établir la vérité de cette prophétie, qui devait, selon lui, embarrasser les écrivains polémiques du christianisme.