Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/434

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le tyran se croyait en sûreté, lorsque les vaisseaux de l’Afrique mouillèrent dans l’Hellespont. Les fugitifs et les exilés, respirant la vengeance, joignirent Héraclius à Abydos : ses navires portaient au sommet de leurs mâts les symboles sacrés de la religion[1] ; ils traversèrent la Propontide en triomphe, et Phocas vit des fenêtres de son palais approcher l’orage qu’il ne pouvait plus éviter. Il détermina, par des promesses et des présens, la faction des Verts à opposer une faible et inutile résistance au débarquement des troupes de l’Afrique ; mais le peuple et même les gardes, furent entraînés par Crispus, qui se déclara sur ces entrefaites, et le tyran fut saisi par un simple citoyen, qui seul, osa pénétrer dans le palais désert. Après l’avoir dépouillé du diadème et de la pourpre, et l’avoir revêtu de l’habit le plus vil, on le chargea de chaînes, et on le mena dans un canot à la galère d’Héraclius, qui lui reprocha les forfaits de son règne abominable. Phocas lui répondit : « Et le tien, sera-t-il meilleur ? » Ce furent les derniers mots que laissa échapper son désespoir. Après lui avoir fait souffrir tous les genres d’outrages et de tortures, on lui coupa la tête ; son corps en lambeaux fut jeté

  1. Selon Théophane, ils portaient κιβωτια et εικονα θεομητορος. Cedrenus ajoute un αχειροποιητον εικονα το‌υ κυριο‌υ dont Heraclius se servit comme d’une bannière dans la première expédition de Perse. Voy. George Pisid., Acroas, I, 140 ; il paraît que la manufacture prospérait. Foggini, l’éditeur romain (p. 26) est embarrassé pour déterminer si c’était un original ou une copie.