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recueillît le fruit de ses crimes ; mais cette association prématurée et agréable au peuple, offensa le monarque : les tribuns de la faction des Verts, qui voulurent se justifier sur une méprise des sculpteurs, furent sur-le-champ condamnés à la mort ; les prières du peuple obtinrent leur grâce ; mais Crispus eut lieu de douter qu’un usurpateur jaloux pût jamais oublier cette concurrence involontaire. L’ingratitude de Phocas indisposa la faction des Verts qu’il dépouilla de leurs priviléges ; toutes les provinces de l’empire étaient mûres pour la rebellion ; et Héraclius, exarque de l’Afrique, avait refusé, durant plus de deux ans, toute espèce de tribut ou d’obéissance au centurion qui déshonorait le trône de Constantinople. Des envoyés secrets de Crispus et du sénat excitèrent cet exarque à sauver et à gouverner son pays ; mais son ambition se trouvant amortie par la vieillesse, il chargea de cette dangereuse entreprise son fils Héraclius, et Nicétas, fils de Grégoire, son ami et son lieutenant. Ces jeunes guerriers armèrent l’Afrique ; l’un d’eux se chargea de conduire la flotte de Carthage à Constantinople, tandis que l’autre traverserait l’Égypte et l’Asie à la tête d’une armée : il fut convenu que la pourpre impériale serait le prix de la diligence et du succès. Un faible bruit de leur entreprise arriva aux oreilles de Phocas, qui arrêta la femme et la mère d’Héraclius, afin d’avoir un gage de sa fidélité ; mais l’artificieux Crispus vint à bout d’affaiblir les craintes d’un danger éloigné : on négligea ou on différa les moyens de défense ; et