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teur. Leur condamnation fut rarement précédée des formalités d’un jugement, et on eut soin d’augmenter la douleur de leurs supplices par les raffinemens de la cruauté. On perça les yeux, on arracha la langue, on coupa les pieds et les mains de plusieurs ; quelques-uns de ces infortunés expirèrent sous le fouet des bourreaux ; d’autres furent jetés au milieu des flammes ou percés de flèches, et ils obtinrent rarement la faveur d’une prompte mort. Des têtes, des parties de corps et des cadavres souillèrent l’Hippodrome, cet asile des plaisirs et de la liberté des Romains ; les anciens camarades de Phocas sentirent bien que sa faveur ou leurs services ne pouvaient les garantir de la fureur d’un tyran[1], digne rival des Caligula et des Domitien du premier siècle de l’empire.

Sa chute et sa mort. A. D. 610, 4 octobre.

Phocas n’eut qu’une fille, qui épousa le patricien Crispus[2] : on eut l’indiscrétion de placer dans le cirque, à côté de l’empereur, les bustes des deux époux. Le père désirait sans doute que sa postérité

  1. Théophylacte (l. VIII, c. 13, 14, 15) rapporte quelques-unes des cruautés de Phocas. George de Pisidie, poète d’Héraclius, l’appelle (Bell. Abaricum, p. 46 ; Rome, 1777) της τυραννιδος ο δυσκαθεκτος και βιοφθορος δρακων. La dernière épithète est juste ; mais le corrupteur de la vie fut aisément vaincu.
  2. Les auteurs et leurs copistes sont tellement incertains entre les noms de Priscus et de Crispus (Ducange, Famil. byzant., p. 111), que j’ai été tenté de réunir dans une même personne le gendre de Phocas et le héros qui triompha cinq fois des Avares.