Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/429

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lesquelles il applaudit à la fortune de l’assassin, ont attaché au caractère de ce saint une inévitable flétrissure. Le successeur des apôtres pouvait faire sentir à Phocas, avec une fermeté décente, le crime qu’il avait commis et la nécessité du repentir : il se contente de célébrer la délivrance du peuple et la chute du tyran ; il se réjouit de ce que la Providence a élevé jusqu’au trône impérial la piété et la bonté de Phocas ; il prie le ciel de lui accorder de la force contre ses ennemis, et il désire pour lui, s’il ne le prédit même pas, un règne glorieux et de longue durée, la promotion d’un royaume temporel à un royaume éternel[1]. J’ai raconté les crimes d’une révolution, selon le pontife de Rome, si agréable au ciel et à la terre ; on va voir que Phocas ne fut pas moins odieux dans l’exercice du pouvoir que dans la manière dont il l’avait acquis. [Son caractère.]Un historien impartial le peint comme un monstre[2] : il décrit la petite taille et la difformité de sa personne, ses épais sour-

  1. Saint Grégoire, l. XI, epist. 38, indict. 6. Benignitatem vestræ pietatis ad imperiale fastigium pervenisse gaudemus. Lætentur cœli et exultet terra, et de vestris benignis actibus universæ reipublicæ populus, nunc usque vehementer afflictus hilarescat, etc. Cette lâche flatterie, qui a excité les invectives des protestans, est critiquée avec raison par le philosophe Bayle. (Dictionnaire critique, Grégoire Ier, note H, t. II, p. 597, 598.) Le cardinal Baronius justifie le pape aux dépens de l’empereur détrôné.
  2. On détruisit les portraits de Phocas ; mais ses ennemis eurent soin de soustraire aux flammes une copie d’une pareille caricature. (Cedrenus, p. 404.)