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ville l’honorable privilége de réserver leur valeur pour la défense de leur séjour natal. Le frère de Maurice voulut attenter à ce privilége, et mêler une troupe de patriotes avec les mercenaires de son camp : ils se retirèrent dans l’église, et la sainteté du lieu n’en imposa point au général : le peuple se souleva, il ferma les portes, il parut armé sur les remparts, et la lâcheté de Pierre égala son arrogance et son injustice. Le caractère guerrier de Commentiolus[1] doit être l’objet de la satire ou de la comédie plutôt que de l’histoire, puisqu’il n’avait pas même la qualité si vulgaire du courage personnel. Ses conseils tenus avec appareil, ses étranges évolutions et ses ordres secrets avaient toujours pour objet de lui fournir un prétexte de fuite ou de délai. S’il marchait contre l’ennemi, les agréables vallées du mont Hémus lui opposaient une barrière insurmontable ; mais dans les retraites, son intrépide curiosité découvrait des sentiers si difficiles et tellement abandonnés, que les plus anciens habitans du pays en avaient presque laissé échapper le souvenir. Les seules gouttes de sang qu’il avait perdues en sa vie lui furent tirées par la lancette du chirurgien, dans une maladie réelle ou simulée ; le repos, la sûreté de l’hiver, ne manquaient jamais de rétablir sa santé, toujours sensiblement altérée par l’approche des Barbares. Le prince capable d’élever et de soutenir cet indigne favori ne doit retirer aucune gloire du mérite accidentel de Priscus,

  1. Voyez la honteuse conduite de Commentiolus dans Théophylacte, l. II, c. 10-15 ; l. VII, c. 13, 14 ; l. VIII, c. 2-4.