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balance du pouvoir, et les Avares s’étaient formé un empire permanent depuis le pied des Alpes jusqu’aux rives de l’Euxin. Le règne de Baian est l’époque la plus brillante de leur monarchie. Leur chagan, qui occupait le rustique palais d’Attila, semble avoir imité le caractère et la politique de ce prince[1]. Mais comme on revit les mêmes scènes sur un théâtre moins étendu, une description minutieuse de la copie n’aurait pas la grandeur et la nouveauté de l’original. La fierté de Justin II, de Tibère et de Maurice fut humiliée par un Barbare plus prompt à commencer les ravages de la guerre qu’exposé à les souffrir ; et toutes les fois que les armes de la Perse menaçaient l’Asie, l’Europe était accablée par les dangereuses incursions ou la dispendieuse amitié des Avares. Lorsque les envoyés de Rome approchaient du chagan, on leur ordonnait d’attendre à la porte de sa tente ; et ce n’était quelquefois qu’au bout de dix ou douze jours qu’on leur permettait d’entrer. Si le ton ou le sujet de leur discours blessait

  1. On peut avoir une idée générale de la fierté et de la puissance du chagan, en lisant Ménandre (Excerpt. legat., p. 117, etc.) et Théophylacte (l. I, c. 3 ; l. VII, c. 15), dont les huit livres font plus d’honneur au chef des Avares qu’à l’empereur d’Orient. Les prédécesseurs de Baian avaient éprouvé les libéralités de Rome ; et Baian survécut au règne de Maurice. (Du Buat, Hist. des Peuples Barbares, t. XI, p. 545.) Le chagan, qui fit une invasion en Italie, A. D. 611 (Muratori, Annali, t. V, p. 305) était alors juvenili ætate florens (Paul Warnefrid, De gest. Langobard., l. V, c. 38) : c’était le fils ou peut-être le petit-fils de Baian.