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et telle était l’extrême sensibilité de sa conscience, qu’il s’interdit plusieurs jours les fonctions sacerdotales, parce qu’un mendiant était mort dans la rue. 2o. Les malheurs de Rome remettaient entre les mains du pontife les soins de l’administration et les affaires de la guerre ; et peut-être ne savait-il pas bien lui-même si la piété ou l’ambition le déterminait à exercer l’autorité de son souverain absent. Il tira l’empereur de sa léthargie ; il exposa les crimes ou l’incapacité de l’exarque et de ses ministres ; il se plaignit de ce qu’on avait fait sortir de Rome les vétérans pour les envoyer à la défense de Spolette ; il excita les Italiens à défendre leurs villes et leurs autels ; et, dans un moment de crise, il consentit à nommer des tribuns et à diriger les opérations des troupes de la province. Mais les scrupules de l’humanité et de la religion tempéraient son esprit martial ; il déclara odieuse et tyrannique toute espèce d’impôts, même ceux qu’on employait à la guerre d’Italie ; et il protégeait en même temps, contre les édits de l’empereur, la pieuse lâcheté des soldats qui abandonnaient leurs drapeaux pour embrasser la vie monastique. Si nous l’en croyons, il avait en son pouvoir les moyens d’exterminer les Lombards par leurs factions domestiques, sans y laisser un roi, un duc ou un comte qui pût soustraire cette malheureuse nation à la vengeance de ses ennemis. En qualité d’évêque chrétien, il aima mieux travailler à la paix : sa médiation apaisa le tumulte des armes ; mais il connaissait trop bien l’artifice des Grecs et les passions des