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vinces avaient tari la source de la fortune publique et de la richesse des individus : cet arbre élevé à l’ombre duquel s’étaient reposées les nations de la terre, n’offrait plus ni feuilles ni branches, et son tronc desséché approchait de la dissolution. Les courriers qui portaient les ordres de l’administration et les messagers de la victoire ne se rencontraient plus sur la voie Appienne ou sur la voie Flaminienne. On éprouvait souvent les funestes effets de l’approche des Lombards, et on les craignait toujours. Les paisibles habitans d’une grande capitale, qui parcourent sans inquiétude les jardins dont elle est environnée, se formeront difficilement une idée de la détresse des Romains : c’était en tremblant qu’ils fermaient et ouvraient leurs portes : du haut des murs, ils voyaient les flammes qui dévoraient leurs maisons des champs, ils entendaient les lamentations de leurs compatriotes, accouplés comme des chiens, qu’on menait en esclavage au-delà de la mer et des montagnes. Ces continuelles alarmes devaient anéantir les plaisirs et interrompre les travaux de la vie champêtre. Bientôt la campagne de Rome ne fut plus qu’un affreux désert où l’on ne trouvait qu’un sol stérile, des eaux impures et une atmosphère empestée. La curiosité et l’ambition n’amenaient plus les peuples dans la capitale du monde ; et si le hasard ou la nécessité y conduisait les pas errans d’un étranger, il ne contemplait qu’avec horreur cette vaste solitude, et se sentait prêt à demander où est le sénat ? où donc est le peuple ? Dans une année excessivement pluvieuse,