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Italiens le jugeaient invincible, sans vouloir s’en assurer par leur expérience. On les voyait dans leur effroi se réfugier au milieu des lacs, des rochers et des marais, avec quelques débris de leurs richesses, et ils différaient ainsi le moment de leur servitude. Paulin, patriarche d’Aquilée, retira ses trésors sacrés et profanes dans l’île de Grado[1] ; et ses successeurs furent adoptés par la naissante république de Venise, qui s’enrichissait sans cesse des calamités publiques. Honorat remplissait le siége de saint Ambroise ; il avait eu la simplicité de souscrire à la trompeuse capitulation qu’on lui proposa ; et la perfidie d’Alboin força bientôt l’archevêque, le clergé et les nobles de Milan, à chercher un asile dans les remparts moins accessibles de la ville de Gènes. Le courage des habitans était soutenu par leur situation sur le rivage de la mer, qui leur donnait la facilité de recevoir des vivres, l’espoir d’être secourus, et les moyens de prendre la fuite ; mais des collines de Trente aux portes de Ravenne et de Rome, les Lombards s’approprièrent l’intérieur de

  1. L’île de Grado fut appelée, d’après cette transaction, la Nouvelle Aquilée. (Chron. venet., p. 3.) Le patriarche de Grado ne tarda pas à devenir le premier citoyen de la république (p. 9, etc.) ; mais son siége ne fut transféré à Venise qu’en 1450. Il est maintenant chargé de titres et d’honneurs. Mais le génie de l’Église s’est abaissé devant celui de l’état, et le gouvernement de Venise catholique est presbytérien à la rigueur. (Thomassin, Discip. de l’Église, t. I, p. 156, 157, 161-165 ; Amelot de la Houssaye, Gouvernement de Venise, t. I, p. 256-261.)