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pour la ruine de l’Italie que l’empereur écouta une fois les plaintes de ses sujets. L’avarice souillait les vertus de Narsès, et durant les quinze années qu’il avait gouverné l’Italie, il avait accumulé, soit en or, soit en argent, un trésor fort au-dessus de la fortune qui convient à un particulier. Son administration était tyrannique ou du moins odieuse au peuple ; et les députés de Rome à Constantinople énoncèrent avec liberté le mécontentement général. Ils déclarèrent hautement, au pied du trône, que leur servitude, sous les Goths, avait été plus supportable que le despotisme d’un eunuque grec ; et que si on ne se hâtait de déposer leur tyran, ils ne songeraient qu’à leur bonheur dans le choix d’un maître. L’envie et la calomnie, qui avaient triomphé depuis peu du mérite de Bélisaire, surent accroître cette crainte d’une révolte. Un nouvel exarque, Longin, remplaça le vainqueur de l’Italie ; et la lettre insultante de l’impératrice Sophie lui révéla les vils motifs qui déterminaient son rappel. Elle lui écrivit : « Qu’il devait laisser à des hommes l’exercice des armes, et revenir dans la place qui lui convenait parmi les filles du palais, où on mettrait de nouveau une quenouille dans sa main. » On dit que dans son indignation le héros, pénétré du sentiment de sa force, laissa échapper ces paroles : « Mes fils seront tissus de manière qu’elle ne les débrouillera pas aisément. » Au lieu d’aller se présenter comme un esclave ou comme une victime à la porte du palais de Byzance, il se retira à Naples, d’où, si l’on s’en rapporte à l’opinion