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liberté et la fierté d’un Barbare. Il vanta, par la bouche de son interprète, la grandeur du chagan, à la clémence duquel les royaumes du Midi devaient leur existence, dont les sujets victorieux avaient traversé les rivières glacées de la Scythie, et couvraient alors les bords du Danube de leurs innombrables tentes. Justinien avait cultivé à grands frais, par des largesses annuelles, l’amitié d’un prince reconnaissant, et les ennemis de Rome avaient respecté les alliés des Avares. Les mêmes motifs de prudence devaient exciter son neveu à prendre cette libéralité pour modèle, et à acheter la paix que lui offrait un peuple invincible et sans égal dans les exercices de la guerre, dont il faisait ses délices. La réponse de l’empereur portait le même caractère de hauteur et de provocation que le discours des ambassadeurs ; il fondait, disait-il, sa confiance sur la protection du dieu des chrétiens, l’antique gloire de Rome et les triomphes récens de Justinien. « L’empire, poursuivit-il, est rempli d’hommes et de chevaux, et il a des armes en assez grand nombre pour défendre ses frontières et châtier les Barbares. Vous nous offrez des secours, vous nous menacez de la guerre ; nous méprisons votre inimitié et vos secours. Les vainqueurs des Avares sollicitent notre alliance ; craindrons-nous un peuple d’exilés qui prend la fuite devant eux[1] ? Mon oncle accorda des largesses à votre

  1. Corippe, l. III, 390. Il s’agit incontestablement des Turcs vainqueurs des Avares ; mais le mot scultor ne paraît pas avoir de sens ; et le seul manuscrit existant de Corippe,