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qu’on réclamait devant les tribunaux ; et la pauvreté ou la sagesse des parties les obligeait quelquefois d’abandonner les droits les plus évidens. Une justice si coûteuse peut tendre à diminuer l’esprit de chicane ; mais cette inégalité d’avantages ne sert qu’à augmenter l’influence des riches et aggraver la misère du pauvre. Des procédures dilatoires et dispendieuses donnent au riche plaideur un avantage plus sûr que celui qu’il pourrait espérer de la corruption de son juge. L’expérience d’un abus dont notre siècle et l’Angleterre elle-même ne sont pas entièrement exempts peut, dans le mouvement d’une généreuse indignation, nous arracher le vœu peu réfléchi de voir notre laborieuse jurisprudence remplacée par les décrets sommaires d’un cadi turc. Cependant, après quelque méditation, on s’aperçoit bientôt que ces formes et ces délais sont nécessaires pour défendre la personne et la propriété du citoyen ; que l’autorité arbitraire des juges est le premier instrument de la tyrannie, et que les lois d’un peuple libre doivent prévoir et décider toutes les questions qui semblent devoir s’élever dans l’exercice du pouvoir et les transactions de l’industrie. Mais le gouvernement de Justinien réunissait les maux de la liberté et ceux de la servitude, et les Romains furent accablés tout à la fois par la multiplicité des lois, et par la volonté despotique de leur maître.