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bre et l’airain, mais dans le cœur du coupable, et la certitude d’un seul fait prouve ordinairement son crime. Mais nos devoirs réciproques sont très-variés et même infinis : des injures, des bienfaits et des promesses, créent, annullent ou modifient nos obligations ; et l’interprétation des contrats ou des testamens, que dictent souvent la fraude ou l’ignorance, offrent à la sagacité du juge un exercice bien long et bien laborieux. L’étendue du commerce et celle de l’état multiplient les affaires de la vie, et la résidence des plaideurs dans les provinces éloignées entraîne des incertitudes, des délais et des appels inévitables de la juridiction du lieu à celle du magistrat suprême. Justinien, empereur de Constantinople et de l’Orient, se trouvait, d’après la loi, le successeur du berger du Latium, qui avait établi une colonie sur les bords du Tibre. Dans une période de treize siècles, les lois n’avaient suivi qu’à regret les changemens survenus dans la constitution et les mœurs ; et le désir, estimable en lui-même, de concilier les anciens noms et les institutions récentes, détruisit l’harmonie et étendit les conséquences d’un système obscur et irrégulier. Les lois qui excusent dans tous les cas l’ignorance des sujets avouent elles-mêmes leur imperfection : la jurisprudence civile, telle qu’elle fut abrégée par Justinien, demeura une science mystérieuse et l’objet d’un commerce utile, et la secrète industrie des praticiens épaissit les ténèbres de cette étude déjà trop embrouillée. Les frais du procès excédaient quelquefois la valeur de la chose