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vent rien sur celui qui a résolu de mourir, et la crainte d’une vie future peut seule arrêter son bras. Virgile met les suicides au nombre des infortunés plutôt que des coupables[1] ; et l’enfer des poètes ne pouvait influer sérieusement sur la foi ou la conduite des hommes ; mais les préceptes de l’Évangile et ceux de l’Église ont à la longue rangé sous une pieuse servitude l’esprit des chrétiens, qu’ils condamnent à attendre sans murmurer le dernier trait de la maladie et le dernier coup du bourreau.

Abus de la jurisprudence civile.

Les lois pénales occupent peu d’espace dans les soixante-deux livres du Code et des Pandectes : et les tribunaux décident de la vie et de la mort d’un citoyen avec moins de circonspection et de délai qu’ils ne prononcent sur les questions journalières relatives à un contrat ou à un héritage. Outre qu’on peut alléguer en faveur de cette singulière différence la nécessité de pourvoir promptement au repos de la société, on en trouve encore la cause dans la nature de la jurisprudence criminelle et de la jurisprudence civile. Nos devoirs envers l’état sont simples et uniformes ; la loi d’après laquelle on condamne un citoyen, n’est pas gravée seulement sur le mar-

  1. Les rapports qui se trouvent entre une mort violente et une mort prématurée, ont déterminé Virgile (Énéide, VI, 434-439) à confondre les suicides et les enfans, ceux qui meurent d’amour, et les personnes injustement condamnées. Heyne, le meilleur de ses éditeurs, ne sait comment expliquer les idées ou le système de jurisprudence du poète romain sur cet objet.