Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tibère et de Néron anticipaient le décret du prince ou du sénat, le public donnait des éloges à leur courage et à leur diligence ; on leur accordait les honneurs de la sépulture, et leurs testamens étaient valides[1]. Il paraît que l’avarice et la cruauté recherchées de Domitien les privèrent de cette dernière consolation, et que la clémence des Antonins eux-mêmes la leur refusa. Une mort volontaire, qui dans une affaire capitale survenait entre l’accusation et l’arrêt, était regardée comme un aveu du crime, et le fisc inhumain saisissait les dépouilles du mort[2]. Cependant les jurisconsultes ont toujours respecté le droit que donne la nature à un citoyen de disposer de sa vie ; et la peine flétrissante qu’imagina Tarquin[3] pour contenir le désespoir de ses sujets, ne fut ni rétablie ni imitée par les tyrans qui lui succédèrent. Toutes les autorités de ce monde ne peu-

  1. Qui de se statuebant, humabantur corpora, manebant testamenta ; pretium festinandi. Tacite, Annales VI, 25, avec les Notes de Juste-Lipse.
  2. Julius-Paulus, Sentent. recept., l. V, tit. 12, p. 476 ; les Pandectes, l. XLVIII, tit. 21 ; le Code, l. IX, tit. 50 ; Bynkershoek, t. 1, p. 59 ; Observat. J. C. R., IV, 4, et Montesquieu (Esprit des Lois, l. 29, c. 9), marquent les restrictions civiles de la liberté, et les priviléges des suicides. Les peines qu’on leur infligea furent inventées dans un temps postérieur et moins éclairé.
  3. Pline, Hist. nat., XXXVI, 24. Lorsque Tarquin fatigua ses sujets à bâtir le Capitole, le désespoir porta plusieurs ouvriers à se donner la mort ; il fit clouer leurs cadavres sur une croix.