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quels l’exposaient son inexpérience et la violence de ses passions. Le curateur avait d’abord été un gardien nommé par le préteur pour soustraire une famille aux prodigalités d’un dissipateur ou d’un fou ; les lois obligèrent ensuite le mineur à réclamer une semblable protection, sans laquelle, jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, ses actes ne pouvaient avoir aucune validité. Les femmes dépendaient toute leur vie de leurs parens, de leurs maris ou de leurs tuteurs : on supposait qu’un sexe créé pour plaire et pour obéir n’arrivait jamais à l’âge de la raison et de l’expérience : tel était du moins l’esprit impérieux et sévère d’une ancienne loi, que les mœurs publiques avaient insensiblement adoucie lorsque Justinien monta sur le trône.

Des choses. Droit de propriété.

II. On ne peut justifier le droit de propriété que par une première occupation, la suite du hasard ou du travail ; et la philosophie des jurisconsultes l’établit, avec raison, sur cette base[1]. Le sauvage qui creuse un arbre, qui adapte un manche de bois à une pierre aiguë, qui façonne une branche élastique et y ajoute une corde, devient, dans l’état de nature, le juste propriétaire de la pirogue, de l’arc ou de la hache. La matière appartenait à tout le monde ; mais sa nouvelle forme, résultat de son temps et de son travail, n’appartient qu’à lui. Ses compagnons

  1. Institutes, l. II, tit. 1, 2. Comparez les raisonnemens nets et précis de Caius et d’Heineccius (l. II, tit. 1, p. 69-91), avec la prolixité vague de Théophile (p. 207-265). Les opinions d’Ulpien se trouvent consignées dans les Pandectes (l. I, tit. 8, leg. 41 ; no 1).