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à nourrir et à élever leurs enfans ; la loi de la raison enseigne aux hommes, en retour, les devoirs de la piété filiale ; mais l’autorité exclusive, absolue et perpétuelle du père sur ses enfans, est particulière à la jurisprudence des Romains[1], et elle paraît aussi ancienne que la fondation de la ville[2]. Romulus lui-même établit ou confirma la puissance paternelle ; et après une expérience de trois siècles, elle fut inscrite sur la quatrième table des décemvirs. Au Forum, au sénat ou dans les camps, le fils adulte d’un citoyen de Rome jouissait des droits publics et privés d’une personne ; mais dans la maison de son père il n’était qu’une chose. Les lois le mettaient dans la classe des meubles, du bétail et des esclaves, qu’un maître capricieux pouvait aliéner ou détruire sans répondre de sa conduite à aucun tribunal humain. La main qui lui fournissait la subsistance journalière pouvait l’en priver, et tout ce que le fils acquérait par le travail ou la fortune se con-

  1. Voyez patria potestas dans les Institutes (l. I, tit. 9) ; les Pandectes (l. I, tit. 6, 7), et le Code (l. VIII, tit. 47, 48, 49). Jus potestatis quod in liberos habemus, proprium est civium romanorum. Nulli enim alii sunt homines, qui talem in liberos habeant potestatem qualem nos habemus.
  2. Denys d’Halycarnasse (l. II, p. 94, 95), Gravina (Opp., p. 286), rapportent les termes des Douze-Tables. Papinien (in Collatione legum roman. et mosaïcarum, tit. 4, p. 204) donne à la patria potestas le nom de lex regia, Ulpien (ad Sabin., l. XXVI, in Pandect., l. I, tit. 6, leg. 8) dit : Jus potestatis moribus receptum ; et furiosus filium in potestate habebit. Quelle puissance sacrée, ou plutôt absurde !