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et de plébéiens, d’étrangers et de sujets, a soutenu l’aristocratie de Gènes, de Venise et de l’ancienne Rome. La parfaite égalité des hommes est le point sur lequel se confond le dernier degré de la démocratie et du despotisme, puisque la majesté du prince ou celle du peuple serait blessée si quelques têtes s’élevaient au-dessus du niveau de leurs compagnons d’esclavage ou de leurs concitoyens. Au déclin de l’empire de Rome, les orgueilleuses distinctions de la république s’anéantirent peu à peu, et la raison ou l’instinct de Justinien acheva de donner au gouvernement les formes simples d’une monarchie absolue. Il ne pouvait déraciner ce respect populaire toujours attaché à la richesse transmise de père en fils, ou à la mémoire d’aïeux célèbres. Il se plut à relever, par des titres et des traitemens considérables, les généraux, les magistrats et les sénateurs, et ses faveurs passagères faisaient passer sur leurs femmes et leurs enfans quelques rayons de leur gloire. Mais aux yeux de la loi, tous les citoyens de Rome étaient égaux, et tous les sujets de l’empire étaient citoyens de Rome. Cette qualité, qui avait été jadis d’un prix inestimable, n’était plus qu’un titre vain et hors d’usage. Un Romain n’avait plus de part à la législation, et ne pouvait plus nommer les ministres annuels de son pouvoir. Les droits dont il était revêtu par la constitution auraient gêné la volonté absolue d’un maître, et on accordait à des aventuriers de l’Allemagne ou de l’Arabie, l’autorité civile et militaire, réservée jadis au seul citoyen sur les conquêtes