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vanité des maîtres, l’aveugle attachement de leurs disciples, augmentent l’amour de la dispute. Les sectes autrefois fameuses des Proculiens et des Sabiniens divisèrent la jurisprudence romaine[1]. Deux jurisconsultes très-habiles, Ateius Capiton et Antistius Labéon[2], firent honneur au paisible règne d’Auguste : la faveur du souverain distingua le premier ; le second fut encore plus illustre par le mépris de cette faveur, et son opiniâtre, bien qu’inactive résistance au tyran de Rome. La différence de leur caractère et de leurs principes influa sur leurs études. Labéon tenait aux formes de l’ancienne république ; son rival, plus adroit, adoptait l’esprit de la monarchie naissante. Mais le courtisan est naturellement soumis et servile ; Capiton osa rarement s’écarter de l’opinion ou du moins des paroles de ses prédécesseurs, tandis que, sans s’effrayer du paradoxe et de l’innovation, le hardi républicain se livrait à ses idées indépendantes. Toutefois la liberté de Labéon était asservie à la rigueur de ses principes ; et il dé-

  1. J’ai lu la diatribe de Gotfridus Mascovius (le savant Mascou), (De sectis Jurisconsultorum, Leipzig, 1728, in-12, p. 276) ; traité savant, sur un fond stérile et très-borné.
  2. Voyez le caractère d’Antistius Labéon dans Tacite (Annal., III, 75) et dans une épître d’Ateius Capiton (Aulu-Gelle, XIII, 12), qui accuse son rival de libertas nimia et vecors. Toutefois je ne puis penser qu’Horace eut osé couvrir de ridicule un sénateur vertueux et respectable, et j’adopterais la correction de Bentley, qui lit labieno insanior. Serm. I, III, 82. Voyez Mascou, De sectis, c. 1, p. 1-24.