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il est évident que de pareilles études et de semblables ouvrages n’exigent qu’une dose commune de jugement, de talent et d’expérience. On sentit mieux le génie de Cicéron et de Virgile, à mesure qu’on vit les siècles s’écouler sans produire leur égal ; mais les maîtres de jurisprudence les plus célèbres étaient sûrs de laisser des disciples qui égaleraient ou qui surpasseraient leur mérite et leur réputation.

Leur philosophie.

Au septième siècle de Rome, la philosophie grecque vint polir et perfectionner par son alliance cette jurisprudence, d’abord si grossièrement adaptée à la situation des premiers Romains. Les Scévola s’étaient formés par l’usage et l’expérience ; mais Servius-Sulpicius fut le premier juriste qui établit son art sur une théorie certaine et universelle[1]. Pour discerner le vrai et le faux, il employa comme une règle infaillible la logique d’Aristote et des stoïciens. Il ramena les cas particuliers à des principes généraux, et répandit sur cette masse informe la lumière de l’ordre et de l’éloquence. Cicéron, son contemporain et son ami, ne chercha point la célébrité d’un juriste de profession ; mais il répandit sur la jurisprudence de son pays l’éclat si flatteur de cet

  1. Crassus, ou plutôt Cicéron lui-même, propose (De oratore, I, 41, 42) sur l’art ou la science de la jurisprudence une idée qu’Antoine, qui avait de l’éloquence naturelle, mais peu d’instruction, affecte (I, 58) de tourner, en ridicule. Cette idée fut en partie réalisée par Servius-Sulpicius (in Bruto, c. 41), que Gravina, dans son latin classique, loue avec une élégante variété, p. 60.