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volonté d’un seul homme, d’un enfant peut-être, prévalût sur la sagesse des siècles et les vœux de plusieurs millions de citoyens ; et les Grecs dégénérés se firent gloire de déclarer qu’on ne pouvait, avec sûreté, confier qu’à l’empereur seul l’exercice arbitraire de la législation. « Quel intérêt ou quelle passion, s’écriait Théophile à la cour de Justinien, peut atteindre l’empereur à la hauteur calme et sublime où il est élevé ? Il est déjà le maître de la vie et de la fortune de ses sujets, et ceux qui ont encouru son déplaisir sont déjà au nombre des morts[1]. » Un historien étranger au langage de la flatterie peut avouer que dans les questions particulières de la jurisprudence, des considérations personnelles influent rarement sur le souverain d’un grand empire. La vertu, ou même la raison, l’avertissent qu’il est le conservateur naturel de la paix et de l’équité, et que son intérêt est lié d’une manière inséparable à celui de la société. Sous le règne le plus faible et le plus vicieux, Papinien et Ulpien occupèrent avec sagesse et intégrité le siége de la justice[2] ; et les disposi-

  1. Théophile in Paraphras. græc. Instit., p. 33, 34, édit. de Reitz. Voyez sur le caractère et les ouvrages de cet écrivain, ainsi que sur le temps où il vécut, le Théophile de J. H. Mylius, Excursus 3, p. 1034-1073.
  2. Il y a plus d’envie que de raison dans cette plainte de Macrin : Nefas esse leges videri Commodi et Caracallæ et hominum imperitorum voluntates. Jul. Capitol., c. 13. Commode fut mis au rang des dieux par Sévère. Dodwell, Prælect. 8, page 324, 325. Cependant les Pandectes ne le citent que deux fois.