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Justinien, c’est-à-dire dans un intervalle de quatre siècles, la volonté du souverain fut la règle de la jurisprudence publique et privée ; on ne laissa subsister sur leurs anciennes bases qu’un très-petit nombre des institutions civiles et religieuses. L’obscurité des temps, et la terreur qu’inspirait un despotisme armé, ont caché le commencement du pouvoir législatif des empereurs, et ont donné lieu à deux fictions propagées par la bassesse ou peut-être par l’ignorance des jurisconsultes dont le génie s’échauffait aux rayons de l’astre adoré dans les cours de Rome et de Byzance. 1o. Les anciens Césars avaient demandé quelquefois qu’on les affranchît des devoirs et des peines ordonnés par quelques statuts : le sénat et le peuple y avaient consenti, et chacune de ces faveurs était un acte de juridiction que la république exerçait sur le premier de ses citoyens. De l’humble privilége obtenu par les empereurs, on fit par la suite la prérogative d’un tyran, et on supposa que l’expression latine, legibus solutus (exempté des lois)[1], mettait le prince au-dessus de toutes les lois, sans lui en laisser d’autres que celles de sa

    loue ensuite la fermeté de Sévère, qui révoqua les lois inutiles ou pernicieuses, sans aucun égard pour leur ancienneté, ou pour le crédit qu’elles avaient obtenu.

  1. Dion-Cassius, par mauvaise foi ou par ignorance, se méprend sur la signification de legibus solutus, t. I, l. LIII, p. 713. Reimar, son éditeur, se joint en cette occasion aux reproches dont l’esprit de liberté et de critique ont accablé ce servile historien.