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avaient demandé l’égalité ; la servitude les mit tous de niveau ; et le consentement formel des tribus ou des centuries ratifia sans murmure les volontés d’Auguste. Une fois, une seule fois, il rencontra une sincère et vigoureuse opposition. Ses sujets avaient renoncé à toute espèce de liberté politique ; mais ils défendirent leur liberté domestique. De bruyantes clameurs rejetèrent une loi qui imposait aux citoyens l’obligation du mariage et en resserrait les liens. Properce, dans les bras de Délie, s’applaudit du triomphe du libertinage ; et pour s’occuper de cette réforme, on attendit une génération plus traitable[1]. L’habile usurpateur n’avait pas besoin de cet exemple pour sentir les inconvéniens des assemblées populaires ; et leur abolition, qu’il avait préparée en silence, eut lieu sans opposition et presque sans être remarquée, à l’avénement de son successeur[2]. Soixante mille législateurs plébéiens, redoutables par leur nombre et hors d’atteinte par leur pauvreté, furent supplantés par six cents sénateurs qui tenaient leurs dignités, leur fortune et leur vie de la clémence de l’empereur. [Décrets du sénat.]Dans l’exercice du pouvoir législatif, le sénat se consola de la perte de son autorité exécutive ; et Ulpien a pu dire, après

  1. Præ tumultu recusantium perferre non potuit. Suéton., in August., c. 34. Voyez Properce, l. II, élég., 6. Heineccius a épuisé dans une histoire particulière tout ce qui a rapport aux lois Julia et Papia Poppæa. Opp., t. VII, part. I, p. 1-479.
  2. Tac., Ann., I, 15 ; Lipse, Excursus E. in Tacitum.