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servir de tombeau. Un patricien est écrasé sous ses riches marbres : les ruines des édifices publics et particuliers ensevelissent tout un peuple ; et les feux sans nombre, nécessaires à la subsistance et à l’industrie d’une grande cité, commencent et propagent l’incendie. Au lieu de cette compassion mutuelle, qui devrait soulager et aider une si déplorable misère, les habitans se voient à la merci des vices et des passions qui ne redoutent plus le châtiment : l’intrépide cupidité saccage les maisons qui s’écroulent ; la vengeance saisit l’occasion et fond sur sa victime, et la terre engloutit souvent l’assassin et le ravisseur au moment même de leur crime. La superstition ajoute au danger les frayeurs de la vie future ; et si l’image de la mort rappelle quelquefois des individus à la vertu ou au repentir, un peuple épouvanté est bien plutôt porté alors à redouter la fin du monde ou à conjurer par des hommages serviles la colère d’une Divinité vengeresse.

Peste, son origine et sa nature. A. D. 542.

On a considéré dans tous les siècles l’Égypte et l’Éthiopie comme les contrées où naît et d’où se répand la peste. L’air y est humide, chaud et stagnant ; et cette fièvre de l’Afrique vient de la putréfaction des substances animales, et surtout des essaims de sauterelles, non moins destructives après leur mort que pendant leur vie. La funeste maladie[1] qui dépeupla la terre sous le règne de Justinien et celui

  1. J’ai lu avec plaisir le Traité peu étendu, mais élégant, de Mead, sur les Maladies pestilentielles, 8e édition, Londres, 1722.