Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

taille bien proportionnée, un teint vermeil et un maintien agréable. Justinien était d’un accès facile ; il écoutait avec patience, il avait de l’affabilité et de la politesse dans ses discours, il savait contenir les passions furieuses qui s’agitent dans le cœur d’un despote avec une si funeste violence. Procope loue la modération du prince, afin de pouvoir l’accuser d’une cruauté calme et réfléchie ; mais au milieu des conspirations qui attaquèrent son autorité et sa personne, un juge de meilleure foi approuvera la justice ou admirera la clémence de ce monarque. Il était d’une continence et d’une sobriété exemplaires ; mais ses fidèles amours pour Théodora firent plus de mal à l’empire que n’en auraient pu faire des goûts plus variés ; et son austère régime était réglé, non par la prudence d’un philosophe, mais par la superstition d’un moine. Ses repas étaient sobres et de peu de durée ; les jours de grand jeûne, l’eau formait sa boisson, et il ne mangeait que des végétaux : telle était la force de son tempérament et la ferveur de sa dévotion, qu’il passait souvent deux jours et deux nuits sans prendre aucune nourriture. Son repos n’était pas mesuré avec moins de sévérité. Après une heure de sommeil, l’activité de son âme éveillait son corps, et ses chambellans étonnés le voyaient se promener ou étudier jusqu’à la pointe du jour. Une application si soutenue doublait pour lui le temps ; il l’employait tout entier à acquérir des connaissances[1], et à

  1. Les aveux de Procope (Anecdot., c. 8, 13) attestent