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ment à examiner si la conduite de leur souverain méritait le nom de sagesse ou celui de pusillanimité[1].

Sa disgrâce et sa mort. A. D. 561.

Environ deux années après la dernière victoire de Bélisaire, l’empereur revint d’un voyage dans la Thrace, entrepris pour sa santé, pour des affaires ou des motifs de dévotion. Il se plaignit d’un mal de tête ; et le soin avec lequel on écarta tout le monde fit répandre le bruit de sa mort. La troisième heure du jour n’était pas écoulée, qu’on avait enlevé tout le pain qui se trouvait chez tous les boulangers, que toutes les maisons étaient fermées, et que chaque citoyen, selon ses craintes ou ses espérances, se préparait aux désordres prêts à commencer. Les sénateurs, remplis eux-mêmes de frayeurs et de soupçons, s’assemblèrent à la neuvième heure ; et le préfet reçut l’ordre de visiter tous les quartiers de la ville, et de commander une illumination générale, pour demander au ciel le rétablissement de la santé de Justinien. La fermentation se calma ; mais la plus légère circonstance découvrait la faiblesse de l’administration et les dispositions factieuses des habitans de la capitale. Les gardes étaient prêts à se mutiner chaque fois qu’on changeait leurs quartiers ou qu’on retardait le payement de leur solde. Les incendies et les tremblemens de terre devenaient de fréquentes occasions de désordres ; les disputes des Bleus et des Verts, des

  1. Agathias, dans sa prolixe déclamation (l. V, p. 154-174), et la Chronique très-sèche de Théophane (p. 197, 198), racontent d’une manière imparfaite la guerre des Bulgares et la dernière victoire de Bélisaire.