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d’un accès facile, par où il comptait pénétrer. Ni les fortifications du môle d’Adrien, ni celles du port, ne purent arrêter long-temps le vainqueur ; et Justinien reçut encore une fois les clefs de Rome, cinq fois prise et reprise sous son règne[1]. Mais cette délivrance de Rome mit le comble aux calamités du peuple romain. Les Barbares, alliés de Narsès, confondirent trop souvent les droits de la paix et ceux de la guerre ; le désespoir des Goths mis en fuite trouva quelque consolation dans une vengeance sanguinaire. Le successeur de Totila égorgea inhumainement trois cents jeunes citoyens des plus nobles familles, envoyés au-delà du Pô en qualité d’otages. La destinée du sénat fut un mémorable exemple de la vicissitude des choses humaines. Le roi des Goths avait banni les sénateurs. Un officier de Bélisaire en avait délivré plusieurs, et les avait transportés de la Campanie en Sicile : les autres s’étaient trouvés trop coupables pour se fier à la clémence de Justinien, ou trop pauvres pour se procurer des chevaux et gagner la côte de la mer. Leurs frères languissaient depuis cinq ans dans la misère et dans l’exil. La victoire de Narsès leur rendit l’espérance ; mais trop

  1. Επι το‌υτο‌υ βασιλευοντος το πεμπτον εαλω. Rome fut prise en 536 par Bélisaire, en 546 par Totila, en 547 par Bélisaire, en 549 par Totila, et en 552 par Narsès. Maltret s’est trompé en traduisant sextum. Il a corrigé cette erreur lui-même par la suite ; mais le mal était fait. Cousin, et, à sa suite, une foule d’écrivains français et latins avaient donné dans cette méprise.