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rempart des plus braves soldats. En vingt-cinq jours, Totila arriva de la Pouille à marches forcées pour venger sa honte et son injure. Bélisaire l’attendit. Les Goths donnèrent trois fois un assaut général, et trois fois ils furent repoussés : ils perdirent la fleur de leurs troupes. L’étendard royal fut près de tomber entre les mains de l’ennemi, et la gloire de Totila tomba comme elle s’était élevée avec la fortune de ses armes. Tout ce que pouvaient faire le courage et l’habileté avait été accompli par le général romain ; c’était maintenant à Justinien à terminer, par un effort vigoureux et fait à propos, la guerre entreprise par son ambition. L’indolence, peut-être l’impuissance d’un prince plein de mépris pour ses ennemis et de jalousie contre ses serviteurs, prolongeaient les malheurs de l’Italie. Après un long silence, il ordonna à Bélisaire de laisser à Rome une garnison insuffisante, et de se transporter dans la province de Lucanie, dont les habitans, enflammés par le zèle de la religion catholique, avaient secoué le joug des ariens, leurs vainqueurs. Ce héros, dont ne pouvait triompher la puissance des Barbares, fut vaincu dans cette ignoble guerre par les délais, la désobéissance et la lâcheté de ses officiers. Il se reposait dans ses quartiers d’hiver à Crotone, bien persuadé que sa cavalerie gardait les deux passages des collines de la Lucanie. Ces passages furent livrés ou mal défendus, et la célérité de la marche des Goths laissa à peine à Bélisaire le temps de se sauver sur la côte de Sicile. On rassembla enfin une flotte et une armée pour se-